
Nous vous parlions il y a quelques jours, de la sortie du livre "Lettre à Johanna". Aujourd'hui nous vous proposons de lire un extrait de la lettre.
« Johanna, ma chérie,
tout mon être tremble encore de t'avoir revue, à l'image de mes doigts sur le clavier de l'ordinateur. Tu sors à l'instant de chez moi, de chez nous il n'y a pas si longtemps encore. Vite, sans t'attarder, tu es allée chercher Noé dans sa chambre pour l'emmener faire une promenade, en maudissant le sort qui vous a donné la même mère, le sort qui t'oblige à me croiser encore...
Te voir ici a fait revenir tout un lot de souvenirs heureux où nous étions tellement complices. Tu étais une adorable fille de 23 ans, libre, joyeuse, indépendante, et j'étais fière d'y être un peu pour quelque chose. J'étais encore ce qu'on appelle une bonne mère, enfin, je crois. Comment aurais-je pu imaginer qu'un jour je deviendrais une mère haïssable ? Tellement coupable.
J'ai eu une relation avec ton mari. Je t'ai volé Gaspard, l'homme avec qui tu avais décidé d'être heureuse.
Il me coûte terriblement de relire les deux phrases que je viens d'écrire, mais je dois assumer ce que je t'ai fait. Je te dois au moins ça.
Il y a maintenant deux mois que ma vie s'est écroulée, en même temps que la tienne. Deux mois qu'à tes yeux, et à mes yeux aussi, je suis une mère monstrueuse.
Cette faute impardonnable, je la garde en moi comme une blessure qui ne cicatrise pas. J'apprends à vivre avec cette honte que je retrouve le matin en me levant et qui m'accompagne toute la journée. Ces deux derniers mois, j'ai préféré m'abrutir de travail, me consacrer à mes élèves, et à Noé, pour ne pas penser à ce que j'avais fait. Mais on ne peut vivre comme cela, cachée à soi-même.
C'est ce que m'a fait comprendre Mme K., ma psychothérapeute. C'est elle qui m'a encouragée à écrire, à mettre des mots sur ce que j'ai vécu. Elle appelle cela « affronter la réalité ». C'est vrai qu'aujourd'hui encore, j'ai du mal à croire que j'ai pu te faire ça. J'ai mis plusieurs semaines avant de parvenir à ouvrir cette page sur mon ordinateur. Revenir sur cette histoire encore si vive, me paraissait impossible. Mais Mme K a insisté. Elle est persuadée que cela me permettra de me « reconstruire ».
Ce qui m'a finalement décidée, c'est de penser que je n'écrirai pas seulement pour moi, mais aussi pour toi. A travers cette lettre, je ne cherche pas à me faire pardonner – ce que j'ai fait est impardonnable – mais je veux te permettre de te reconstruire toi aussi. Et pour cela, je pense que tu as besoin de connaître la vérité. »
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